22 févr. 2015

Le voleur de sandwichs


Les parents de Marin ne sont rien de moins que des maniaques de la cuisine. Dès que leur fils est en âge de porter une boîte à lunch, ils se surpassent et lui préparent chaque jour des plats mirobolants aux noms exotiques tout à fait imprononçables. Devenu la risée de la cafétéria, Marin met son pied à terre : ne se retrouveront dans sa boîte repas que des aliments simples autant à manger qu'à prononcer. À contre cœur ses parents acceptent et lui concoctent en échange de délicieux sandwichs; un chef-d'œuvre sur pain différent pour chaque jour de la semaine.

Le mardi c'est thon et tomates séchées, le mercredi laisse place au fameux sandwich à la tartinade de tofu, luzerne, tomates et crevettes décortiquées, tandis que le jeudi Marin a droit au sandwich aux œufs, parmesan râpé et oignons rouges. Le tout surmonté d'une fine couche de mayonnaise maison dont seule sa maman a le secret. Un régale! Mais si chaque jour apporte son lot de délice, aucune journée n'est plus délicieuse que le lundi et la promesse du meilleur repas de la semaine. Le Saint-Graal du sandwich. L'incroyable jambon-cheddar-laitue. C'est pourquoi le lundi Marin est toujours le premier à se précipiter sur les bancs de la cantine, ses papilles salivant du plaisir anticipé de la première croquée. Mais ce lundi sera différent et c'est en soulevant le couvercle de sa boîte à lunch qu'il découvrira le méfait. Malheur! Horreur! Qui a bien pu lui voler son sandwich préféré? Marin mène l'enquête et personne n'est à l'abris de ses soupçons dans sa traque pour arrêter le voleur de sandwichs.



Avant de poursuivre, laissez moi vous avouer toute la partialité dont je fait preuve face aux albums édités chez la Pastèque. C'est définitivement plus fort que moi. Il ne me suffit que d'entrouvrir les battants d'une boîte de carton et d'y découvrir un bijou de la collection pamplemousse pour que ce soit instantanément Noël dans mon cœur. Il va sans dire que ce nouveau venu dans la famille de la Pastèque n'échappe pas à mon amour inconditionnel. Notons qu'il s'agit ici d'un hybride fort réussi ; un savant mélange entre le roman dit « première lecture » et l'album conventionnel qui saura très certainement plaire à un large lectorat. Je le vois tout aussi bien entre les mains de papas et de mamans voulant initier leurs rejetons à une histoire intelligemment construite que dans celles d'un jeune lecteur solo qui n'est pas encore tout à fait prêt à faire le saut au livre sans illustration. Votre enfant ne lit strictement que de la bande-dessinée, lève son nez avec dédain sur toutes vos propositions littéraires ou n'a tout simplement pas découvert LA perle qui le happera définitivement dans le monde du livre, confrontez le au voleur de sandwichs et je vous garanties que ses yeux pétilleront de plaisir.

En quoi ce petit roman est-il un tel gage de succès? Tout d'abord pour son histoire, son originalité et les mille et unes surprises qu'il réserve au lecteur. Depuis 1999, l'auteur André Marois publie des romans noirs pour les adultes et des romans policiers pour les enfants et c'est toujours avec beaucoup d'adresse qu'il met en place les codes du roman d'enquête pour construire une intrigue enlevante qui saura plaire à tous les apprentis Sherlock. D'un élément déclencheur somme toute banal, le vol d'un pauvre sandwich jambon-cheddar-laitue, il met en place les pièces du puzzle et jette juste assez d'ombre et de lumière sur l'histoire pour conserver intacte la surprise du dénouement. Sans oublier l'élément clé qui fait le succès du livre: juste ce qu'il faut d'humour et d'absurde pour maintenir l'esprit du lecteur éveillé. Mais un tel tour de force ne serait être complet sans des illustrations toutes aussi sensationnelles. C'est avec un quatuor de couleurs vintage et ses lignes simples que l'illustrateur Patrick Doyon réussit à insuffler une grande vitalité au monde de Marin et à celle de sa cohorte scolaire. Si au départ j'admet avoir eu mes doutes quant à l'apparente simplicité du dessin, j'ai été agréablement surprise de me perdre dans un univers graphique à la fois vibrant et foisonnant de détails.


Encore une fois, je tiens à féliciter l'équipe de la Pastèque pour cet autre magistral succès et je leur lève bien haut mon chapeau pour avoir compris qu'offrir aux enfants des albums intelligemment construits est aussi important pour leurs croissance que de leurs offrir des plats sains et fortifiants.


Vicky Sanfaçon

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