Le
métier de libraire est, sans une micro poussière de doute, LE métier le plus
satisfaisant qui soit pour tout amoureux des livres. Chaque jour de travail se
résume au partage de notre passion et de nos multiples coups de coeur qui, si
les astres sont correctement alignés, iront rejoindre la chaleur d'un nouveau
foyer. On entend trop souvent parler des mauvais côtés du service à la
clientèle. Des clients qui surjouent leur rôle et qui, par l'absurdité de leur attitude,
évacuent toute parcelle de bonheur du pauvre commis qui a eu la malchance de
croiser leur route. Mais on oublie de mentionner au détour les épisodes heureux
qui raturent les mauvais coups et remettent l'ardoise à zéro. Je vous partage
au hasard une anecdote qu'un collègue m'a confiée cette semaine. Il y a de cela
quelques jours, il se fait aborder par une petite poulette à couettes blondes
qui lui demande où elle peut peut trouver madame
câlin de Roger Hargreaves qu'elle désespère de lire. En allant lui
cueillir le titre souhaité, il lui fait remarquer que madame câlin se cachait
derrière monsieur grognon et
qu'il s'agit d'une drôle de coïncidence puisque si le caractère de la
petite fille est aussi tonique et pétillant que madame câlin, le sien se calque davantage sur
celui de ce gros bougon de monsieur
grognon. N'écoutant que son petit coeur, la cocotte enroule ses bras autour
de mon collègue et lui transmet un câlin à faire fondre toute la bougonnerie
du cœur de ce soi-disant grognon.
Une
telle franchise, une telle spontanéité dans les émotions, ne peut qu'émaner
d'un enfant. Pour ceux et celles qui les côtoient au quotidien, vous serez
certainement d'accord avec moi que ce point particulier de leur personnalité
est une des nombreuses caractéristiques qui les rendent si attachants.
Lorsqu'ils aiment, c'est, dans la plupart des cas, de manière inconditionnelle.
Le contraire est tout aussi vrai. Toute antipathie est vécue avec la même
intensité: sans concession. Là est mon problème en tant que libraire jeunesse.
J'ai beau m’éreinter à leur vendre l'idée d'un livre qui m'a fait
«tripper» dans ma jeunesse; suer sang et eau pour qu'ils daignent considérer
que ces «vieilleries» ont encore une vie à vivre entre leurs mains. Rien
n'y fait! Ne pensez pas qu'ils se contentent de vivre leur calvaire en hochant
la tête de manière polie comme la clientèle adulte. Dès que mon blabla diverge
d'un livre qui les intéresse ou d'un quelconque best-seller que tous les amis ont lu à
l'école, leur attention n'est plus de la partie. Leurs yeux virent carrément
dans le beurre et leur esprit quitte la librairie l'espace d'un bref instant.
Ne vous méprenez pas sur la portée de mon commentaire. Du moment qu'un enfant
décide de lire le contenu d'un bouquin, peu importe le livre sélectionné, il
s'agit d'une belle et grande victoire. Ma frustration provient du fait que je
ne peux partager avec eux la somme astronomique de bonheur que m'a procuré un
livre en particulier parce que celui-ci n'est plus considéré comme étant à l'ordre
du jour. J'ai beaucoup de difficulté à vivre cette déception quasi quotidienne.
Je vous
avoue donc mon fantasme de libraire. Je m'imagine acheter des caisses et des
caisses de tous ces livres qui ont marqué profondément ma jeunesse et
distribuer un exemplaire à chaque enfant qui croise ma route accompagnée de la
notice suivante: livre à consommer de toute urgence pour bonheur immédiat.
N'ayant ni le budget ni le temps nécessaire pour mener à terme ce gigantisme
projet, je me tourne vers vous chers lecteurs. Lisez ces quelques chroniques
des classiques de Vicky et n'hésitez pas à partager la bonne nouvelle à la
multitude. Mon souhait le plus cher en écrivant ces lignes est que, grâce à nos
efforts collectifs, le plus grand nombre possible d'enfants croisent la route
de ces quelques perles qui, selon mon expérience personnelle, ont le pouvoir de
modeler une vie.
Vicky Sanfaçon
Comptez sur moi, je propagerai la nouvelle!
RépondreEffacerHourra! Une première disciple :) !!!!
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