3 mai 2015

Boris Brindamour et la robe orange

Boris Brindamour est un petit rouquin qui aime littéralement des tas de choses. Il aime le dimanche matin pour les crêpes que lui prépare sa maman. Il aime également le lundi, puisque le lundi il marche pour se rendre à l'école. Il aime dessiner, il aime chanter très très fort et il aime la collation du midi et les cartons de jus de pomme. Oui, vraiment, Boris aime beaucoup de choses. Mais ce qu'il préfère, ce qu'il aime par dessus toutes ces choses qu'il aime vraiment, c'est le coin déguisement de sa classe. Plus spécifiquement, la robe orangée qui se trouve dans ce coin. Boris aime une quantité infini de détails dans cette robe. Il aime sa couleur vibrante qui lui rappelle les cheveux de sa maman, la force du tigre et la brillance du soleil. Il aime le bruit que fait le tissu lorsqu'il marche et lorsqu'il s'assoit. Oui, vraiment, Boris aime absolument tout de ce bout d'étoffe orangé. Le seul hic c'est que les copains de sa classe ne semblent pas apprécier autant cette robe orange lorsqu'elle est portée par Boris. Les garçons de sa classe ne cessent de se moquer de lui et certains même ne veulent pas que Boris les approchent par peur qu'il leurs transmet le virus qui les transformeraient en filles. Ses copines aiment également le tourner en ridicule et certaines tentent même de lui arracher sa belle robe orangée sous prétexte qu'il est un garçon et qu'un petit garçon n'a pas le droit de porter des vêtements réservés aux filles. Boris en a plus qu'assez des railleries incessantes et de tous ces quolibets qui lui donnent des crampes d'estomac. Boris est un petit garçon qui aime porter une robe. Un point c'est tout! Comment leur faire comprendre qu'à ces yeux cette robe, que tous associent à la féminité, possède un sens beaucoup plus profond que ne saurait contenir un simple bout de tissu.

Mon coeur a chaviré dès l'instant où l'on m'a présenté cette perle d'album jeunesse. Enfin! ne cesse de crier mon petit coeur en extase depuis sa rencontre avec Boris Brindamour et sa robe orange. Attendez vous à une critique élogieuse parce que des éloges j'en aie des pleines poignées que j'ai bien envie de laisser pleuvoir sur cet extraordinaire travail de Christine Baldacchino et Isabelle Malenfant publié chez Bayard Canada. Mes louanges seront d'abord dirigées vers la portion texte de ce splendide album. Intelligente, concise, efficace, l'histoire présentée dans Boris Brindamour et la robe orange  évite le ton moralisateur et les raccourcies narratifs et se conçoit davantage comme un récit qui ouvre vers la discussion. Car non, Boris n'est pas une petite fille piégée dans le corps d'un garçon. Bien qu'intéressante, cette voie n'est pas celle qu'à décidé d'emprunter l'auteure Christine Baldacchino. À mon sens, le cœur du texte se découvre dans la symbolique de cette fameuse robe orangée. Pourquoi un petit garçon à l'imaginaire aussi vif que Boris, qui aime tant de choses différentes, décide de se vêtir exclusivement d'une robe orange au lieu de compléter sa tenue par des chaussons de ballets ou un casque brillant de cosmonaute? Simplement parce que tout dans cette robe, la couleur choisie pour le tissu jusqu'au matériau utilisé à sa confection, lui rappelle ces multiples petites choses qui ont une valeur à ses yeux. Ce vêtement cristallise son imaginaire et n'est donc pas associé dans son esprit, contrairement à l'idée partagée par ses copains de classe, à une tenue exclusivement féminine. En d'autres termes, Boris aime porter cette robe car porter cette robe revient à partager avec la multitude tous ces différents éléments qu'il aime d'amour et qui forment sa personnalité.


L'illustration a la facture enfantine qui est la marque de commerce d'Isabelle Malenfant sert magnifiquement le texte et, je dirai même plus, ajoute un second niveau d'interprétation à l'histoire originale. J'oserai même ici parler d'un certain génie créatif qui se manifeste dans quelques éléments clés de la portion visuelle de l'album. L'exemple qui m’apparaît le plus probant est l'image de notre fameuse robe orange. Le choix qu'à fait l'artiste de ne pas doter le vêtement de contours clairs et définis mais plutôt d'un tracé fluctuant et évanescent est un véritable tour de force. Par cette simple décision esthétique, l'illustratrice consolide le propos de cet album: Boris ne perçoit pas sa robe orange comme un simple vêtement mais bien comme une représentation de sa personnalité qui, par définition, tend à changer au fil de ses différents coups de cœur. Quoi dire de cette double page au début de l'album qui introduit le lecteur à la robe orange. On y voit un petit Boris tournoyer sur lui même. De ce mouvement se déploie la robe en un long trait orangé, doux comme la chevelure rousse d'une maman, qui se transfigure en un tigre tenant entre ses pattes le soleil. Je ne peux que m'agenouiller devant un tel génie (photo à l'appuie).



Boris Brindamour et la robe orange contient tout ce qui, à mon humble avis, définit un album d'exception : une histoire intelligente qui invite à la réflexion doublée d'un visuel qui complète et sublime le propos. Peut-on parler ici de perfection? Je vous laisse le découvrir par vous même.






Vicky Sanfaçon





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