25 mars 2015

Les classiques de Vicky : Introduction au projet


Le métier de libraire est, sans une micro poussière de doute, LE métier le plus satisfaisant qui soit pour tout amoureux des livres. Chaque jour de travail se résume au partage de notre passion et de nos multiples coups de coeur qui, si les astres sont correctement alignés, iront rejoindre la chaleur d'un nouveau foyer. On entend trop souvent parler des mauvais côtés du service à la clientèle. Des clients qui surjouent leur rôle et qui, par l'absurdité de leur attitude, évacuent toute parcelle de bonheur du pauvre commis qui a eu la malchance de croiser leur route. Mais on oublie de mentionner au détour les épisodes heureux qui raturent les mauvais coups et remettent l'ardoise à zéro. Je vous partage au hasard une anecdote qu'un collègue m'a confiée cette semaine. Il y a de cela quelques jours, il se fait aborder par une petite poulette à couettes blondes qui lui demande où elle peut peut trouver madame câlin de Roger Hargreaves qu'elle désespère de lire. En allant lui cueillir le titre souhaité, il lui fait remarquer que madame câlin se cachait derrière monsieur grognon et qu'il s'agit d'une drôle de coïncidence puisque si le caractère de la petite fille est aussi tonique et pétillant que madame câlin, le sien se calque davantage sur celui de ce gros bougon de monsieur grognon. N'écoutant que son petit coeur, la cocotte enroule ses bras autour de mon collègue et lui transmet un câlin à faire fondre toute la bougonnerie du cœur de ce soi-disant grognon.


Une telle franchise, une telle spontanéité dans les émotions, ne peut qu'émaner d'un enfant. Pour ceux et celles qui les côtoient au quotidien, vous serez certainement d'accord avec moi que ce point particulier de leur personnalité est une des nombreuses caractéristiques qui les rendent si attachants. Lorsqu'ils aiment, c'est, dans la plupart des cas, de manière inconditionnelle. Le contraire est tout aussi vrai. Toute antipathie est vécue avec la même intensité: sans concession. Là est mon problème en tant que libraire jeunesse. J'ai beau m’éreinter à leur vendre l'idée d'un livre qui m'a fait «tripper» dans ma jeunesse; suer sang et eau pour qu'ils daignent considérer que ces «vieilleries»  ont encore une vie à vivre entre leurs mains. Rien n'y fait! Ne pensez pas qu'ils se contentent de vivre leur calvaire en hochant la tête de manière polie comme la clientèle adulte. Dès que mon blabla diverge d'un livre qui les intéresse ou d'un quelconque best-seller que tous les amis ont lu à l'école, leur attention n'est plus de la partie. Leurs yeux virent carrément dans le beurre et leur esprit quitte la librairie l'espace d'un bref instant. Ne vous méprenez pas sur la portée de mon commentaire. Du moment qu'un enfant décide de lire le contenu d'un bouquin, peu importe le livre sélectionné, il s'agit d'une belle et grande victoire. Ma frustration provient du fait que je ne peux partager avec eux la somme astronomique de bonheur que m'a procuré un livre en particulier parce que celui-ci n'est plus considéré comme étant à l'ordre du jour. J'ai beaucoup de difficulté à vivre cette déception quasi quotidienne.


Je vous avoue donc mon fantasme de libraire. Je m'imagine acheter des caisses et des caisses de tous ces livres qui ont marqué profondément ma jeunesse et distribuer un exemplaire à chaque enfant qui croise ma route accompagnée de la notice suivante: livre à consommer de toute urgence pour bonheur immédiat. N'ayant ni le budget ni le temps nécessaire pour mener à terme ce gigantisme projet, je me tourne vers vous chers lecteurs. Lisez ces quelques chroniques des classiques de Vicky et n'hésitez pas à partager la bonne nouvelle à la multitude. Mon souhait le plus cher en écrivant ces lignes est que, grâce à nos efforts collectifs, le plus grand nombre possible d'enfants croisent la route de ces quelques perles qui, selon mon expérience personnelle, ont le pouvoir de modeler une vie.



Vicky Sanfaçon

2 commentaires:

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...